Découvrez l’article de Rose-Hélène Miel, juriste spécialisée dans les baux commerciaux et Partenaire Expert Initiative !

 

Comment éviter la confusion entre les travaux d’aménagement du locataire et ceux à financer par le Bailleur ?

 

Vous êtes porteurs de projets et la négociation vient tout juste de commencer pour la prise à bail d’un local ou la reprise d’une activité. Sachez différencier les travaux d’aménagement qui devront être financés par vos soins des autres travaux qui demeurent à la charge du Bailleur.

La motivation vous colle à la peau et les idées se bousculent pour le lancement de votre activité. Notez bien qu’en matière de bail commercial il convient d’avoir une relation privilégiée avec votre Bailleur.

Et oui, cela fera la différence surtout en matière de travaux d’aménagement !

Autorisation de travaux d’aménagement

Obtenir le Saint Graal que peut représenter l’autorisation écrite du Bailleur éventuellement de la copropriété et même du service de l’urbanisme de la ville (DP – Déclaration Préalable) ne suffit pas pour assurer l’ouverture au public de ses locaux.

Encore faut-il savoir négocier et même solliciter la participation financière du bailleur aux travaux d’aménagement. Question qui s’avère cruciale suivant l’état des locaux loués.

Où se situe la frontière entre les travaux d’aménagement et ceux qui légalement demeurent à la charge du Bailleur ?

Où cela commence, s’étend et s’arrête ?

Travaux d’aménagement pour un local neuf

  • Si nous prenons l’exemple de Sylvie qui souhaite lancer une micro-crèche.

Elle vient de signer un BEFA (Bail en Etat Futur d’Achèvement) pour des locaux à construire et qui vont lui être livrés bruts de béton / fluides en attente.

Il est évident pour Sylvie, qu’il lui appartiendra après la mise à disposition des locaux de procéder à ses travaux d’aménagement et ce, à ses frais exclusifs. Le Bailleur lui indique avoir terminé les travaux du premier œuvre pour lui permettre après établissement du procès-verbal de livraison de lancer ses travaux.

En l’espèce, la question est quasi inexistante puisque Sylvie accepte de lancer son activité dans des locaux neufs et que le Bailleur en lui livrant la coque a déjà réalisé les travaux qui lui incombent.

Travaux d’aménagement pour un local existant

Il en est tout autrement lorsqu’il s’agit de locaux existants, et ce à double titre :

Il compte reprendre le local initialement occupé par le cédant Jean. Ce dernier exploitait une petite épicerie, ce qui oblige Pierre à réaliser des travaux pour réagencer la boutique, la mettre aux couleurs de son concept et à organiser différemment l’espace vente.

A l’issue de l’état des lieux (obligatoire depuis la Loi Pinel – article L. 145-40-1 du Code de commerce) un défaut de conformité électrique des locaux est détecté.

A qui incombe les travaux de mise aux normes des locaux ?

Au cédant Jean, alors que l’acte de cession définitif du droit au bail a été signé ?

Au cessionnaire Pierre qui, en plus des travaux d’embellissement, devra financer la mise aux normes pour pouvoir réellement les exploiter ?

Ou éventuellement au Bailleur, puisqu’il doit répondre en toutes circonstances à son obligation de délivrance ?

  • Et pour finir le cas de Sophie qui a enfin choisi le local de ses rêves dans la rue de son enfance.

Après quelques visites et avant même la signature du bail, elle sollicite du bailleur le maximum d’informations sur le local (origine de la fuite qui a endommagé le plafond, l’absence de système de chauffage et de climatisation réversible et de l’accès PMR (personne à mobilité réduite) etc…).

Elle se rend compte que ce local correspond parfaitement à son activité pour son emplacement, ses accès et sa visibilité pour attirer la clientèle mais que les travaux d’aménagement vont certainement être plus importants que ce qu’elle avait prévu au Business Plan.

Elle décide alors de faire chiffrer l’ensemble des travaux pour négocier au maximum la prise en charge du Bailleur des postes de dépenses qu’il aurait dû financer. Pour mémoire, une partie de ces travaux vont valoriser le local et certains équipements (type chauffage) vont être laissés lors du départ de Sophie.

Ainsi, il est aisé de se rendre compte que la frontière est mince voire totalement floue entre les travaux à la charge du locataire et ceux du Bailleur.

La faute au contrat de location, sa négociation et en partie à votre capacité à pouvoir lire entre les lignes …..

Il se pourrait même qu’à l’échelle d’un malentendu ou d’un quiproquo, que vous vous retrouviez comme Pierre (repreneur du droit au bail) à prendre en charge des travaux non estimés en démarrage d’activité.

Sous prétexte de devoir réaliser quelques menues travaux pour s’installer, réaliser des travaux d’embellissement pour donner un peu de fraîcheur à vos locaux et les habiller aux couleurs de votre concept, l’enveloppe budgétaire peut malheureusement s’alourdir.

Attention ! Les travaux d’aménagement peuvent s’avérer plus importants et coûteux qu’initialement prévu.

Et pourquoi me direz-vous ?

Certainement que l’air de rien, au tournant de la négociation et de la formulation barbare de certains termes juridiques, le Bailleur s’est dispensé à l’insu de votre plein gré de son obligation de délivrance.

Cette fameuse obligation est une condition essentielle et déterminante sans laquelle il n’y aurait même pas eu de bail tellement le législateur de son vœu pieux en a fait une disposition d’ordre public.

Aussi, à défaut de clause contraire dans le bail, les travaux de mise aux normes ainsi que ceux prescrits par l’administration sont à la charge du Bailleur.

Ce dernier devant mettre à disposition un local conforme à la destination prévue dans le bail et correspondant à l’activité du locataire.

Bref… lorsque le chiffrage est lancé voilà que s’intègrent tout naturellement les travaux de mises aux normes, de conformité électrique, de vétusté et bien d’autres.

A la charge de qui me direz-vous ?

Et bien toute la subtilité réside dans l’art de la négociation et de la lutte perpétuelle pour assurer l’équilibre financier du contrat entre le Bailleur et son locataire – le Preneur.

Restez attentifs par une lecture active de votre projet d’acte pour débusquer les clauses de transfert de charges au risque d’alourdir vos charges d’exploitation !

Et si vous souhaitez vous en prémunir, faites-vous accompagner !

Rose-Hélène Miel

Dirigeante d’Audit’Act et Partenaire Expert Initiative